αlphaGoZéro et ses perspectives

AlphaGoZéro est le successeur de AlphaGo.
En mars 2016,le premier avait vaincu l'un des meilleurs joueurs de go humain, et à plates coutures. (quatre parties gagnées sur les cinq jouées). AlphaGo est une intelligence artificielle dévolue à jouer au Go, et son "intelligence" a été alimentée par des milliers de parties numérisées, jouées par des professionnels ou des des amateurs humains. Nourri de cette connaissance humaine, il avait alors dans sa confrontation, développé des stratégies qui avaient désarconné le joueur coréen Lee Sedol dont la défaite l'amena à se remettre en question: " Ma façon de penser est devenue plus flexible après ma rencontre avec AlphaGo. J'ai réfléchi aux faiblesses de l'intuition humaine, et je pense que ma prédiction du prochain coup est devenu plus précise lorsque je joue au go", dit-il ensuite...

Mais ceci n'était que la première version.

V2, dénommé AlphaGoZéro est d'un autre acabit: Et la différence est sensible.V2 ne se nourrit que de lui-même, et apprends de ses propres erreurs. Créé par la même société Deepmind, V2 a pendant trois jours lutté contre lui-même, et s'est ainsi auto-perfectionné, sans connaissances externes, ex nihilo. Et il a pulvérisé V1 dans son affrontement avec son ancètre: trois jours d'autoformation  de V2 suffiront pour faire plier la synthèse de siècles de parties humaines qu'est V1...

Les questions que posent ce fait divers sont pour les néophythes de nature philosophique: l'intelligence de la machine excèderait celle humaine. 

On oublie, dans ce raccourci, que la machine applique stupidement un algorithme généré par l'homme lui-même. Mais se profile en vérité la perspective effrayante que la machine pourrait à terme se donner elle-même des finalités, et les moyens de les faire aboutir. Mais pourquoi une machine se fixerait d'elle-même des objectifs à atteindre?

Cette dernière interrogation est prétentieuse: nous, humains, ne sommes nous même pas qu'une pitoyable machine biologique, dont la complexité nous a longtemps échappé, mais dont nous entrevoyons aujourd'hui la possibilité d'en comprendre l'utilité du moindre des rouages. Et alors?

 Si l'homme, aussi imparfait soit-il, se pose la question du sens de sa vie,  l'intelligence artificielle que nous créons  ne s'interrogera t-elle pas également sur la vacuité de son existence numérique: au delà de la réponse par la négative au dixième problème de Hilbert qui protège la mathématique du Tout-Algorithmique, peut-être est-ce là, la seule lueur d'espoir pour l'homme, espoir d'une survivance de humanité dans l'avenir mécanisé qu'il se dessine. Mais encore une fois, quel intérêt? Une machine qui se construit ex nihilo et qui oeuvre ad nihilum...

"Je ne suis pas un numéro, je suis un homme", s'indignait numéro 6, dans la série "Le prisonnier". Le cercle se referme...

Liens:

  • AlphaGo vs LeSedol : Ici!
  • AlphaGoZéro: Ici!
  • Site de Deepmind: Ici!




Les mathématiques sont-elles une science?

La question est déjà une aberration étymologique, "mathema" en grec signifiant, et connaissance ,et science. Elle est néanmoins devenue à la mode en ce début de XXIe siècle, participant d'une dynamique étrange de remise en question de l'enseignement des mathématiques ou de sa primauté parmi les sciences. 

Le mathématicien Jean Dieudonné , dans son ouvrage "Pour l'honneur de l'esprit humain",cite en intoduction, un extrait de la correspondance entre Jacobi et Legendre: "M. Fourier avait l'opinion que le but principal des mathématiques était l'utilité publique et l'explication des phénomènes naturels; mais un philosophe comme lui aurait dû savoir que le but unique de la science, c'est l'honneur de l'esprit humain, et que sous ce titre, une question de nombres vaut autant qu'une question de système du monde."

Erathostène, astronome, géographe, philosophe et mathématicien grec du IIIe siècle av. J.-C, est la parfaite illustration de la proposition précédente:  à une époque où l'humanité s'interrogeait et s'interrogerait encore sur le caractère sphérique de la terre, il parvenait quant à lui à évaluer avec une précision sidérante le rayon de la terre.Il a par ailleurs travaillé en arithmétique, et a développé la procédure appelée par la suite "crible d'Erathostène", de recherche des premiers nombres premiers à l'ordre désiré. Deux travaux remarquables, qui tous deux participent à l'honneur de l'esprit humain. Dieudonné aurait certes préféré la seconde, par péférence de principe pour l'abstraction.

Pourquoi opposer les sciences entre elles? Les progrès des sciences expérimentales doivent en grande partie aux outils mathématiques, qui peut le nier? Que la notion physiquement sensible d'énergie ne soit pour un mathématicien qu'une simple intégrale première des équations du mouvement, expose deux facettes de la pensée humaine. Un simple objet calculatoire est ainsi palpable dans la réalité, et acquiert un enrobage mystique: on sent sa promixité, un mathématicien peut s'autoriser à n'y voir qu'un  simple artifice de calcul. La mécanique, branche naturelle de la physique est le prototype de la complémentarité des sciences expérimentales et de la mathématique.La modélisation du mouvement a jeté les bases du calcul infinétisimal. La mécanique en est ainsi devenue théorique, l'adéquation avec le monde sensible et les expériences physiques réalisées servant à initier ou à (in)valider des modèles abstraits et mathématiques.

Galilée disait que "le livre de la nature est écrit en langage mathématique". La question posée en titre de cette page est donc à reformuler: il ne s'agit pas de savoir si la mathématique est une science, mais plutôt de comprendre dans quelle mesure  les sciences expérimentales, au delà de leur objectif d'adéquation au réel, sont mathématisées. Déclaré sans rapport au réel, le formalisme mathématique a un pouvoir de découverte de la nature, alchimie étrange entre l'esprit humain et la nature ainsi revisitée .